Attention au fossé obligataire transatlantique

The writer is group chief economist at Société Générale

Le débat animé sur le nouveau paysage volatil de l’inflation est palpable sur les marchés. Il ne s’agit pas seulement de savoir comment différents facteurs peuvent influer sur la hausse des prix, mais aussi des conséquences que cela entraîne pour les taux d’intérêt.

Même en mai, nous avons constaté des changements substantiels sur les marchés, les investisseurs cherchant à évaluer les réponses probables des banques centrales aux poussées d’inflation.

L’écart transatlantique des rendements obligataires de référence à 10 ans aux États-Unis et en Allemagne a atteint 2,0 points de pourcentage début mai, mais s’est depuis rétréci de 0,30 point. La réduction de l’écart des rendements réels après prise en compte de l’inflation a été encore plus impressionnante, reculant de près de 0,70 point en mai.

Les rendements obligataires longs peuvent utilement être considérés comme le reflet des taux directeurs réels probables, de l’inflation attendue et d’une prime pour la durée de l’investissement. L’évolution des prix relatifs des anticipations de politique monétaire explique en grande partie le récent rétrécissement des écarts réels.

Les marchés obligataires sont devenus plus convaincus que la Réserve fédérale américaine évitera des hausses de taux de 0,75 point de pourcentage et s’en tiendra à des mouvements de 0,50 point pour l’instant. Dans le même temps, la Banque centrale européenne a signalé une accélération des hausses de taux – les marchés ont rapidement intégré un retour plus rapide de la politique monétaire à des niveaux plus normaux pour la zone euro. Ceci, à son tour, a également vu l’euro récupérer une partie de sa précédente glissade face au dollar.

C’est un monde très différent de ce qui a été observé au cours de la décennie précédant la pandémie, une période façonnée par la prédominance de la faiblesse structurelle de la demande, laissant les banques centrales lutter pour relever l’inflation à son objectif. Le terme de stagnation séculaire a occupé le devant de la scène.

Sur la liste des arguments selon lesquels l’inflation sera structurellement plus élevée à partir de maintenant, beaucoup entrent dans la catégorie des chocs négatifs du côté de l’offre, qu’il s’agisse de chaînes d’approvisionnement plus régionalisées, d’un plus grand protectionnisme, de pénuries de compétences ou de frictions dans la transition climatique.

On peut soutenir que bon nombre de ces chocs d’offre pourraient bien peser négativement sur la demande, ce qui laisse entrevoir la perspective que les banques centrales seront confrontées au choix difficile de devoir relever les taux malgré une croissance économique plus faible.

En conséquence, des deux côtés de l’Atlantique, le débat sur la question de savoir si la stagnation séculaire ou la stagflation émergera de la volatilité récente est désormais au cœur de la politique des banques centrales. Mais nous assisterons probablement à un rétrécissement de l’écart de rendement obligataire attendu entre les États-Unis et la zone euro.

Les craintes de stagflation ont jusqu’à présent été plus visibles à la Fed qu’à la BCE, mais cela pourrait être sur le point de changer. Outre les chocs du côté de l’offre, l’inflation actuelle résulte du redémarrage rapide des économies après la pandémie, alimenté par l’épargne refoulée et les politiques budgétaires expansionnistes. Cela est particulièrement vrai aux États-Unis, où les mesures de relance budgétaire ont augmenté les revenus globaux des ménages bien au-delà des pertes liées à la pandémie.

L’orientation de la politique budgétaire de part et d’autre de l’Atlantique pourrait toutefois être sur le point de changer de place, avec un resserrement significatif aux États-Unis tandis que la zone euro reste plus accommodante. De plus, d’un point de vue structurel, la question se pose de savoir si les pressions sociales et le vieillissement de la population inciteront les gouvernements de la zone euro à encore plus de relance budgétaire. Bien que cela puisse contrecarrer les efforts de la BCE pour contrôler l’inflation, la politique de la banque centrale qui s’oppose à la relance budgétaire avec son orientation politique peut être très difficile.

Un autre domaine de divergence dans les forces qui façonnent la croissance et l’inflation entre les États-Unis et l’Europe concerne la manière dont ils abordent la transition climatique, l’UE exprimant une plus grande détermination à aller plus vite que Washington.

Aussi bienvenue que soit l’accélération de ces efforts, la course à l’investissement vert pourrait être difficile compte tenu de l’union bancaire incomplète de l’UE, de l’union encore naissante des marchés des capitaux et de l’absence d’un outil budgétaire commun permanent à grande échelle. Le risque actuel n’est pas seulement la hausse des prix de l’énergie dans l’UE en raison des efforts de transition climatique, mais également diverses pénuries de matériaux ou de main-d’œuvre qualifiée.

Cela signifierait que la BCE devrait réagir de manière plus agressive pour contrôler l’inflation, réduisant ainsi l’écart de taux attendu entre les États-Unis et la zone euro.

Enfin, en ce qui concerne la dynamique des salaires, la dynamique des augmentations salariales aux États-Unis montre les premiers signes d’essoufflement. Dans le même temps, les différences de vitesse de reprise et d’organisation du marché du travail impliquent que la reprise des salaires pourrait encore avoir une certaine marge de manœuvre dans la zone euro. Encore une fois, un argument pour que l’écart de taux réel outre-Atlantique se resserre davantage et avec ce potentiel également pour une nouvelle appréciation de l’euro.

Harriette Gareau Harriette

Parmi les domaines d’actualité que je traite, il y a les célébrités, la politique, l’économie, la technologie, la science et bien plus. Ce qui démarque dans mon style rédactionnel, c’est avant tout le ton que j’emploie, mais aussi ma petite moralité que je partage en fin d’article. Pour moi, il est important que mes lecteurs puissent assimiler les informations, tout en y apprenant une leçon. Loin d’imposer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas aux lecteurs, mon but est de pouvoir fournir aux lecteurs une lecture hors du commun, qui peut plaire et qui peut les inciter davantage à lire mes écrits. Vous pouvez aussi découvrir d’ailleurs une rubrique dédiée à « tout ce que je pense » des informations liées aux buzz internationaux. Cette rubrique subjective adopte un ton comique et sarcastique à la fois.
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