Quand la médiocrité triomphe : Ethique

Transformez ce charmant sourire en grimace; gardez vos idées brillantes pour vous, elles ne sont plus intéressantes ; n’essayez pas d’être drôle ou de révéler votre charisme, ils manquent de tout public ; son talent, sa virtuosité, son habileté pour toute discipline ne marquent, ni n’étonnent, ni ne fascinent : c’est l’ombre de la médiocrité. Bienvenue à empire des médiocres. Il ne s’agit pas d’une énième dystopie, mais plutôt d’une hypothèse de longue date, formulée comme telle dans les années 1960 par la pédagogue canadienne Laurence J. Peter : «au fil du temps, chaque poste finit par être occupé par une personne incompétente pour ses fonctions». Cela s’explique par le fait que lorsqu’un travailleur efficace est promu, on lui confie des tâches pour lesquelles il n’est pas préparé. C’est ce qu’on appelle le « principe de Peter ».

Qui n’a jamais eu le soupçon que les médiocres gouvernent le monde ? Trump, Bolsonaro, Kim Jong-un, Berlusconi… Il y a quelques années, un autre Canadien, le philosophe Alain Deneault, a réanalysé la question dans son essai Médiocratie : quand les médiocres prennent le pouvoir. La conclusion, terrifiante : selon le moment, chacun respecte les règles en vigueur, sans les remettre en cause, dans le seul but de maintenir sa position, ou bien il les élude de manière détournée sans révéler qu’il n’est pas capable de les respecter. Seules ces deux attitudes se dirigent vers la sphère du pouvoir. Rien de plus que ce chemin d’excès qui menait, selon William Blake, au palais de la sagesse.

« La pertinence spirituelle des propositions » n’a plus d’importance

Par Deneault il n’y a pas d’environnement exempt de médiocrité: académique, politique, juridique, économique, médiatique ou culturelle. N’importe lequel d’entre eux a un conducteur de char médiocre. Comme celle proposée par Platon du gouvernement des meilleurs, l’aristocratie, mais à l’envers. Dans le public, comme dans le privé. Pour le Canadien, ce qui vient et triomphe en ces temps, ce sont les arguments qui confirment les théories existantes, et évitent les critiques ou proposent des solutions risquées, encore moins originales. Car « la pertinence spirituelle des propositions » n’a plus d’importance. Ni en termes économiques, après tout, l’auteur ne se souvient pas que l’argent nous pervertitet « concentre l’activité de l’esprit dans un médium qui lui fait perdre toute conscience sensorielle de la diversité du monde ».

Même le culturel n’échappe pas à la médiocre épidémie. Combien de fois avons-nous entendu ou prononcé la phrase « c’est plus pareil » ? Deneault reprend la réflexion d’Herbert Marcuse sur la perversion d’un système dans lequel le patron et l’ouvrier jouissent du même contenu. Quelque chose ne va pas. Ce n’est pas tant que les classes sociales sont diluées ou éliminées que cela légitime les principes qui soutiennent le système.

Il s’agit de ne pas se démarquer si on veut devenir quelqu’un. Somerset Maugham, l’écrivain, a déclaré que « seule une personne médiocre est toujours à son meilleur ». N’agit pas et, par conséquent, n’a pas tort. Il ne contredit pas et, par conséquent, ne confronte rien ni personne. Il ne juge pas et, par conséquent, il obéit.

En 1961, Kurt Vonnegut, un auteur américain de science-fiction, signe l’histoire Harrison Bergeron, un texte dystopique et satirique qui commence par dire : « En l’an 2081, tous les hommes étaient enfin égaux. Non seulement égaux devant Dieu et devant la loi, mais égaux en tous points. Personne n’était plus intelligent que n’importe qui d’autre; personne n’était plus beau qu’un autre; personne n’était plus fort ou plus rapide que quiconque. Toute cette égalité était due aux amendements 211, 212 et 213 de la Constitution, et à la vigilance incessante des agents du directeur général des personnes handicapées des États-Unis». Éviter aucun citoyen ne se démarque, les autorités ont exercé des violences à leur encontre. «George, parce que son intelligence était au-dessus de la normale, il avait un petit handicap mental radiotéléphonique à l’oreille, et il ne pouvait jamais l’enlever, selon la loi. Le récepteur s’est réglé sur un émetteur gouvernemental qui envoyait du bruit aigu toutes les vingt secondes environ afin que des gens comme George n’exploitent pas injustement leur propre intelligence aux dépens des autres. »

Tout semble indiquer que si la voix de Dieu devait résonner, puissante, tonitruante, forte comme au temps où il a créé le monde, peut-être dirait-il aujourd’hui, résigné : « Médiocres du monde, je vous absous ! ».

Harriette Gareau Harriette

Parmi les domaines d’actualité que je traite, il y a les célébrités, la politique, l’économie, la technologie, la science et bien plus. Ce qui démarque dans mon style rédactionnel, c’est avant tout le ton que j’emploie, mais aussi ma petite moralité que je partage en fin d’article. Pour moi, il est important que mes lecteurs puissent assimiler les informations, tout en y apprenant une leçon. Loin d’imposer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas aux lecteurs, mon but est de pouvoir fournir aux lecteurs une lecture hors du commun, qui peut plaire et qui peut les inciter davantage à lire mes écrits. Vous pouvez aussi découvrir d’ailleurs une rubrique dédiée à « tout ce que je pense » des informations liées aux buzz internationaux. Cette rubrique subjective adopte un ton comique et sarcastique à la fois.
Bouton retour en haut de la page